Alors que se profile une année 2025 délicate pour les constructeurs sur le front des émissions de CO2, un professeur allemand estime que l'Europe n'est pas en mesure de récolter les amendes. Qui seraient donc illégales.
"La réglementation européenne sur la flotte CO2 viole le droit de l’Union". Voilà comment commence le rapport commandé par Uniti, une association allemande défendant "l'ouverture à la technologie et la liberté idéologique pour atteindre des objectifs ambitieux d'économies de CO2". La conclusion de ce rapport, nous la devons à un professeur allemand aux multiples casquettes : directeur général de l'Institut du droit de l'environnement de l'Université d'Augsbourg et titulaire de la chaire de droit public et droit européen, droit de l'environnement et droit de l'aménagement. On respire un grand coup.
Si l'orientation et l'impartialité même du rapport peuvent être remis en question comme c'est souvent le cas dans le cadre des rapports "commandés" par des entreprises ou associations, il n'empêche que la conclusion a de quoi interroger. L'Europe serait en effet dans l'illégalité en décidant à la fois des lois, et en récoltant également les recettes des amendes découlant de ces lois.
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Des amendes illégalement perçues ?
Toute la subtilité des lois européennes tient donc sur ce point précis : l'UE ne serait pas dans la légalité en percevant les amendes.
"Si les constructeurs automobiles ne respectent pas les objectifs de l'UE en matière de flotte, ils doivent payer des amendes. Cependant, le rapport du Prof. Martin Kment montre que la Commission européenne n'est pas responsable de l'imposition et de la collecte des amendes ou des taxes sur les émissions excessives. Selon le professeur Dr. Kment. Il n’existe donc aucune base légale permettant aux constructeurs automobiles de payer des amendes si les objectifs de flotte spécifiés sont dépassés.
Dans une résolution adoptée en 2008 sur le premier règlement sur la réglementation du parc automobile, le Conseil fédéral allemand avait déjà exprimé des doutes considérables quant à la compétence de l'UE à introduire un tel prélèvement lié à la protection de l'environnement et s'apparentant à une taxe au profit du budget de l'UE."
L'association Uniti n'y va pas par quatre chemins : "le système existant de régulation de la flotte européenne est ébranlé dans ses fondations par le rapport". Carrément ! Le rapport pointe également du doigt le système de mesure du CO2 qui se cantonne à l'échappement et favorise forcément les véhicules électriques qui en sont dépourvus. "Du point de vue de l'UNITI, la révision du système de régulation de la flotte annoncée par la présidente réélue de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans ses lignes directrices pour la prochaine Commission européenne doit avant tout introduire une comptabilisation des émissions de CO 2 sur l'ensemble du cycle de vie des véhicules".
Les carburants de synthèse, encore eux
Mais il faut aussi prendre un certain recul sur ces rapports qui ne sont pas issus de commissions scientifiques totalement indépendantes. Si le cadre légale autour de ces amendes "CO2" et décrit par Mr Kment est effectivement bancal, Uniti mentionne à plusieurs reprises les carburants de synthèse présentés comme une solution idéale et alternative. Logique, pour une association représentant le secteur des carburants et des lubrifiants... Mais, nous l'avons déjà écrit, ces carburants devraient très probablement être réservés aux secteurs prioritaires : aviation, maritime et finalement camions. L'automobile ne sera servie qu'à la marge à moins que les volumes soient suffisants, mais cela paraît pour l'heure très utopique au regard des ressources électriques colossales nécessaires pour produire ces carburants. Et surtout, les réserves de CO2 dites "biogéniques" pour les transformer en carburants ne sont pas infinies, loin s'en faut.
Journaliste automobile (et un peu bicyclette aussi). Autant passionné par la nouveauté que l’industrie ou l’environnement, mais aussi tout ce qui fera avancer la mobilité.
Publié le 13/08/2024 à 10:58